Marianne, 15 février1933
Marianne, 15 février1933
Irgendwo auf der Welt (“Gramophone” K.6743). De quel tréfonds de vieille et niaise sentimentalité vient le goût que j’ai pour cet air ? Il me plait, il m’enchante ; où que je vienne à l’entendre, je m’arrête, charmé. Il est tiré du film “Un rêve blond”. Les "Comedian Harmonists", auquels nous devons déjà une si bonne édition des Gas de la Marine (chez “Columbia”, je crois), nous donnent une version excellente de cette romance. Au dos, “La Marche des laveurs de carreaux”, tirée du même film, lui forme un aimable complément.
Goûtez-vous les castagnettes ? Je ne m’en lasse pas. Je trouve en elles la même fureur primitive que dans le tam-tam nègre. Je vous ai déjà dit le bien que je pensais des enregistrements de Manuela del Rio. Voici “Alma Mora”, où cette artiste intéressante ,s’est fait accompagner, avec une verve drue et populaire, par l’orchestre Lucchesi (“Gramophone”, K. 6666). Préferons-le hautement à un autre disque du même catalogue, intitulé “La Madra del Cordero”, qui ne le vaut pas.
Voici de nouveau, pour notre joie, Mireille et Jean Franc-Nohain. “Columbia” (Df. 1074) édite, ce mois-ci, , le premier disque d’une série qui va se continuer, sous le titre genéral “Un mois de vacances”. Vous savez le succès légitime qu’ont obtenu déjà “Papa n‘a pas voulu” et “Couchés dams le foin”. Le disque que je vous signale n’est pas inférieur à ses deux aînés. Sur les deux faces, Mireille, accompagnée de Jean Sablon, de Pills et Tabet, nous donne “Le vieux Jardinier qui boite” et “Le vieux Château”. Je me suis amusé à le faire tourner à Vienne, l’autre jour, devant quelques bons dilettantes et acteurs autrichiens, et je rends témoignage de l’accueil qui lui a été fait, à bon droit.
La voix émouvante de Lys Gauty interprète, pour “Columbia” (DF. 102), deux romances de qualité bien vulgaire, mais elle sait leur conférer un accent assez pénétrant. Avec Cora Madou et Damia, Lys Gauty eet peut-être une de nos meilleures diseuses dramatiques. Et ceux qui veulent bien suivre ces notes savent quel fonds je fais, sur la “diseuse”, pour l’avenir et la renaissance du drame lyrique moderne.
Puisque nous sommes sur ce chapitre, je m’en voudrais de ne pas vous signaler un disque un peu plus ancien, déjà célèbre, que l’actrice juive Rowina, de la Compagnie. du théâtre Habima, a enregistré pour Columbia (DL. 103) : “Plaintes d’ une mère devant le Mur des Pleurs, de Jérusalem”. Je ne sais rien qui égale ce monologue, en intensité dramatique, en puissance d’expression lyrique. Le passage du “parlé” au chant, de l’imprécation à la prière, du récit a la cantilène, y est réalisé avec une puissance lyrique et une beauté de rythme à quoi je ne peux rien comparer aujourd’hui.
n’oubliez pas d’entendre deux vieux airs français, chantés par M.Ovila Legare (“Columbia, DF 1860) : “Son p’tit Jupon” et “Son voile qui volait.” Vous ne me le reprocherez pas.
Par contre, je n’ai pu prendre plaisir, et je m’en excuse, à un disque de Richard et Carry, tiré du film “Ne sois pas jalouse” . Pour amuser, il faut soi-même s’amuser, et ces deux bons artistes ont l’air de s’être passablement ennuyés.
Le nouvel enregistrement de Joséphine Baker, chez “Columbia”, “Si j’étais blanche”, ne nous fait pas oublier les meilleurs disques de cette charmante femme. Vous y retrouverez sa voix pointue et ses inflexions de gamine tendre, mais hélas, rien de plus.
Il en va de même de “La Scène d’Amour” des “Vignes du seigneur” (“Columbia”). M. Victor Boucher y retrouvera-t-il le succès de la fameuse “scène d’ivresse” de la même comédie, triomphe du dernier printemps ? Je n’ose y croire
Jean-Richard Bloch