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À PROPOS DE FERNAND DIVOIRE

Marianne, 2 Novembre 1932

Article mis en ligne le 10 octobre 2010
dernière modification le 17 octobre 2010

Marianne, 2 Novembre 1932

Un disque étonnant. Un disque de collection et d’étude. Il constituera une révélation pour beaucoup d’auditeurs. -

Je connaissais, depuis 1911 ou 1912, la « La Naissance du Poème », de ce charmant et profond esprit qu’est Fernand Divoire. Mme Autant Lara nous l’avait fait entendre, dans son studio « d’Art et d’Action »
Sur les flancs de la Butte. Le souvenir ne m’en avait jamais quitté. Je souhaitais assister à une nouvelle présentation. « Gramophone » nous en fournit l’occasion dans un enregistrement excellent.
Conseillons-en l’emplette à tous les amoureux de la poésie et du rêve.
Thème : Un poète, taquiné par le démon de l’invention, cherche le sujet sur lequel va s’exercer son art. Des mots en liberte rôdent autour de lui. Il leur propose un point de cristallisation. Autrement dit, un sujet. Ce sujet sera La Forêt.
Aussitôt, les voix intérieures s’éveillent, les unes persiflent, les autres approuvent. L’une est pointue et gavroche, une autre grave et lyrique, une autre moyenne et bourgeoise. Debat confus et obsédant.
Une des « Muses » y met fin en énonçant un vers qui servira de début et d’accrochage au poème. Les autres voix s’y rallient.
Le poète est encore froid. Il est au point zéro. Il accueille ces suggestions avec une moue sceptique. Mais les inventions se pressent. Chaque « Muse » apporte ses trouvailles, critiquées par les autres. Ainsi, tour à tour. A ce jeu, le poète s’échauffe.

Bref, nous voyons faiblir l’opposition, l’ironie baisser de ton, l’accord se faire peu à peu sur la strophe. Les tâtonnements, les repentirs, les hésitations, les recherches de l’esprit créateur, sont materialisés autour de nous par ce conflit des voix inspiratrices, et par leur duel avec le poète.
A force de retouches, de menus changements, dont le spectacle est par lui-même une passionnante analyse de l’invention poétique, le poème nait.

Le choeur réuni et formé par Mme Autant Lara satisfait à toutes les exigences de l’audition. Les voix sont bien séparées, chacune a son registre et sa personnalité, chacune sa beauté, son piquant. Le contralto du chef de coeur, la voix grave du poète, forment les bases de cet édifice sonore, dont l’unisson final évoque le grand orgue.
« Papa n’a pas voulu ». Un petit disque « Columbia ». Paroles de Jean Franc-Nohain. Mireille en a écrit la musique, qu’elle chante en s’accompagnant elle-même. C’est jeune, c’est frais, c’est spirituel. La petite voix pointue et drôle, de Mireille,y est merveilleusement à son affaire avec, çà et là, des inflexions à la Joséphine Baker, qui ne sont pas tout à fait dues au hasard, sans doute.

Couchés dans le foin (Columbia). De nouveau, musique de Mireille sur paroles de Jean Franc-Nohain chantonnée par Jacques Pills et Georges Tabet. Cela ne casse rien, mais c’est bien agréable.
« Columbia » nous donne, à son tour, une version de « La Fiancée du Pirate » et du « Chant de Barbara », tirées du film l’ « Opéra de Quat’Sous ». C’est Mme Lys Gauty qu’il a chargée de les chanter. Cela manque un peu d’accent et d’âpreté. Ce n’est pas tout à fait ussi désespéré que cela pourrait l’être, mais c’est une fort bonne exécution et qui vous plaira.

Après l’avoir entendue, je suis parti à rêver sur le cas nouveau dont cette partition musicale de « l’Opera de Quat’Sous » est le signe. Elle a beaucoup fait pour le succès d’un film intéressant, souvent beau mais inégal et bourré d’intentions. Les jeunes gens ont accueilli ces airs avec une ferveur particulière. Pour beaucoup d’entre eux, elle a été le premier choc esthétique que leur ait procuré la musique contemporaine. En somme, dans le désert qu’est le drame lyrique d ‘après guerre, cette musique a été pour eux ce qu’ont été, pour leurs aînés, Pétrouchka, Pélléas . et, en remontant les âges, l’opéra wagnérien.

Devant cette constatation, je me suis pris à penser, une fois de plus, que le drame lyrique devra sa renaissance, un jour prochain, au film parlant, et que ses futurs interprètes « ne seront pas » les chanteurs d’Opéra, les chanteurs et les cantatrices à grande gueule, terreurs des micros. Ses futurs interprètes, il les trouvera parmi les diseurs et les diseuses de music-hall et les artistes du caté concert, cette inépuisable mine de talents.


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