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COMMENTAIRES SUR BRAHMS, VERDI, ETC.

Marianne, 4 Janvier 1933

Article mis en ligne le 17 octobre 2010

Marianne, 4 Janvier 1933

« Polydor » vient de publier, en 6 disques la 4è symphonie de l’oncle Brahms, jouée par l’Orchestre de l’Opéra de Berlin, direction Max Felder. Notre dernier contact avec Brahms, dans ces colonnes, avait été, souvenez-vous en, tout d’admiration. Nous avions dit que le double concerto en la mineur, joué par Thibaut et Casals, atteignait le sublime et nos forçait à réviser certains jugements trop promptement portés.

La 4è symphonie nous plonge dans la perplexité. Elle relève bien du Brahms grammairien, professeur de rhétorique, amplificateur académique. Il semble pourtant que l’orchestre de l’Opéra de Berlin, parfaitement initié aux traditions de cette musique, l’ait fidèlement rendue. Nous n’en sommes que plus intrigués par l’extraordinaire inégalité d’un musicien capable de pareils extrêmes. Est-il possible que l’homme qui a écrit les thèmes merveilleux et si purement poétiques du double concerto et leur accompagnements si diaphanes, soit le même que l’auteur de ces lourdes, longues et pâteuses *

* *

Verdi aussi est un singulier homme ! Le mélange perpétuel de génie et de facilité, pour ne pas dire de vulgarité ! Je vous ai déjà signalé, au milieu de l’énorme production courante, quelques beaux disques vocaux de Verdi : chez « Polydor », le finale du premier acte de la Force du Destin, ave les voix merveilleuses de Scala ; un air d’Othello, interprété par Sarobe, un air du Trouvère avec Siegfried Oneggin. Voici enfin, chez « Gramophone », et presque égal au dernier des enregistrements que je viens d’énumérer, un air de Falstaff, admirablment chanté par Toll Del Monte et les chœurs de la Scala. Au dos, un fort beau passage de la Somnambule, de Bellini ; un disque de qualité exceptionnelle.

Le grand ténor Picaver, dont l’accent nasal s’imprime si curieusement dans le disque, nous donne, chez « Polydor », le chant du concours et le récit de Walter des Maîtres Chanteurs, dans un enregistrement de toute beauté, que je préfère beaucoup à ses enregistrements plus anciens de Lohengrin. Réussite parfaite.

Chez « Columbia », M.Narson fait une basse fort honrable dans deux airs qui, entre autres mérites, ont celui d’être peu galvaudés : Le Pas d’Armes du Roi Jean, de Saint-Saëns, et le grand ai d’Hérode, de l’Enfance du Christ, de Berlioz.

M.Schluenuss est certes un beau chanteur d’Opéra, et de grands moyens vocaux, mais je n’ai jamais pu me faire à sa lente solennité de magister. J’éprouve l’irrésistible envie de lui allumer un pétard au derrière pour le faire aller un peu plus vite. Le pire, c’est que cet homme aime certainement la bonne musique et qu’il s’attaque toujours à des airs de grande qualité : ainsi lAdélaïde de Beethoven, dont il arrive à faire un terrible pensum, le Largo de Haendel, et Caro mio ben, de Giordani...

Jean Richard Bloch


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