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LES DISQUES INCOMPLETS (suite...)

Marianne, 22 février 1933

Article mis en ligne le 17 octobre 2010

Marianne, 22 février 1933

Excellente idée qu’a eue « Pathé » de faire enregistrer, en un petit disque (X.93.097) trois de ces cantiques de Beethoven qui sont parmi les œuvres les plus pures, les plus puissantes, les moins galvaudées par la vulgarisation. Mlle Alice Raveau en donne, avec un souffle large, une interprétation soignée, qui sait demeurer religieuse sans tomber dans la bondieuserie et l’art sulpicien. Un disque à posséder.

Je ne pense pas qu’on puisse se dire entièrement satisfait du « Repos de la Sainte Famille », tiré de « L’enfance du Christ », de Berlioz (Pathé, X. 93.102). L’orchestre, dirigé par M.Rulhmann, manque de poésie et de mystère, la voix de M.Planel est belle, mais l’intonation, par endroits, inutilement plaintive. Touttefois, l’œuvre n’est pas trahie : et elle se sauve par sa beauté. Ceux qui ne la connaissent pas la découvriront avec fruit ; les autres auront là un bon disque de référence et d’attente.
M. Reynaldo Hahn a doté de musique, on ne sait pourquoi, un petit poème de Hugo. « Si mes vers avaient des ailes ». Il en a fait une romance. La poésie (si j’ose dire) de Theuriet, intitulée « paysage »inspire plus heureusement le compositeur, il se sent plus à son aise. .Mme Ninon Vallin sait chanter ces deux airs dans le style voulu. Ils charmeront les âmes sensibles. (« Pathé », X. 93.074)

* * *

Le nom de M. Vuillermoz est venu sous ma plume. J’ai justement reçu de lui une lettre qu’il me prie de publier ; je le ferai sans en retrancher une ligne.

« Mon cher confrère,
En faisant allusion à une des conférences Charles Cros où j’ai présenté et commenté des « disques d’accompagnement », vous avez cru devoir signaler aux lecteurs de Marianne que dés le moi de mai dernier, vous aviez lancé, dans votre roman, « Sybilla », l’idée des « disques incomplets ». Avec une bienveillance dont je vous sais gré, vous avez bien voulu admettre, que mon initiative dans ce domaine n’était pas forcément un acte de plagiat. Vous avez accepté l’hypothèse de la « coïncidence » en faisant observer toutefois que certains de vos amis s’étaient montrés moins indulgents que vous et avaient fait quelque bruit autour de cet incident.

Vous me contraignez, dans ces conditions, à révéler à vos lecteurs que dans une revue technique que je dirige, je n’ai jamais cessé depuis mars 1928-c’est-à-dire plus de trois ans avant la publication de votre roman- de mener campagne en faveur de la création de disques incomplets réclamés par tous les musiciens. J’ai consacré ce sujet de nombreux articles qui prouveront aux plus incrédules que je n’ai pas l’habitude d’aller prendre mes idées ------------------je n’ai jamais eu la prétention d’être l’inventeur d’une technique aussi simple et aussi naturelle. Des milliers de cinéphiles ont eu certainement cette idée avant moi, et l’un d’eux, me dit-on, avait cru devoir la faire breveter en y intéressant une de nos grandes maisons d’Edition.

Je fais appel à votre loyauté pour placer sous les yeux de vos lecteurs ces quelques lignes destinées à protester contre l’insinuation malveillante dont vous avez cru devoir vous faire l’écho... »
 
’ai demandé à M.Vuillermoz, en ces termes : ...Vous vous plaignez, mon cher confrère, que je vous aie accusé de plagiat. Avouez que, si telle avait été mon intention, j’aurais été un rédacteur bien gauche. Est- c que je n’ai pas écrit, dans le paragraphe même où votre nom se trouve cité que « je n’ai songé à prendre brevet de cette idée ? Qu’elle doit sans doute, traîner depuis longteps, depuis que le piano a commencé d’être ? Qu’elle fait partie de ces inventions qui ont besoin d’être réinventées dix fois avant de prendre corps ? »

Convenez qu’à elles seules, ces lignes excluaient l’hypothèse malveillante que vous avez cru trouver sous ma plume et qui eût, certes, justifié votre véhémente protestation.

M. .Bernard de Vaulx, répondant à ma note, au nom de la Société Charles Cros, dans un article de Radio-Magazine du 5 février, peut écrire : « Notre confrère...ne se pose pas comme l’inventeur des disques incomplets...M. Jean Richard Bloch écrit, fort sagement, que cette idée devait traîner depuis longtemps... »

Ai-je tort d’admettre que ces précisions devraient suffire à vous rassurer ? Aucune accusation de plagiat ne pouvait effleurer mon esprit, principalement quand vous étiez en cause. J’ai écrit que six mois après la publication, en revue, par moi, d’un chapitre de roman où le disque incomplet était assez vivement mis en scène « par une coïncidence où je ne veux voir qu’une rencontre, M.Vuillermoz a présenté...trois disques incomplets » un peu plus loin, j’ajoutais que « la coïncidence a semblé curieuse à plus d’un », -le contexte de l’article ne laissait-il pas clairement comprendre qu’il n’était pas question pour moi de me plaindre que vous m’eussiez « volé » une idée dont je n’ai jamais été si sot ni étourdi de revendiquer la paternité ?

Simplement, j’ai pensé que le chapitre de Sybilla auquel je viens de faire allusion, ayant soulevé maints commentaires dans la presse, avait pu servir de prétexte, d’occasion, de déclenchement, à votre intervention ;-avait pu vous suggérer l’idée de faire cette conférence -et qu’il eût été bien que vous ne passiez pas sous silence les contributions désintéressées, et (convenez-en), efficaces que nous apportions ainsi à la diffusion d’une idée qui vous tenait justement à cœur. Je crois comprendre, d’après votre lettre, que la coïncidence est fortuite. Il me suffit que vous l’affirmiez pour que je vous croie... »

Jean Richard BLOCH


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